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Portée du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur la validation par voie législative d’une DUP annulée par le juge administratif pour vice de procédure par Professeur René HOSTIOU
René HOSTIOU Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de Nantes
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Conseil constitutionnel : Décision N° 2004-509 DC du 13 janvier 2005 relative à la « loi de programmation pour la cohésion sociale » ( J.O 19 janvier 2005 , p. 896 ) .
       
       L’intérêt général qui s’attache à la réalisation rapide du projet d’extension de différentes lignes de tramway à Strasbourg nonobstant l’annulation de la DUP par le juge administratif est à lui seul insuffisant pour justifier la validation législative dudit projet , et ce à raison de l’atteinte portée au principe de la séparation des pouvoirs et au droit à un recours juridictionnel effectif , qui découlent de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen , ainsi qu’au droit de propriété , protégé aux termes de l’article 17 de cette même déclaration , lequel exige qu’ait été constatée légalement la nécessité publique du recours à l’expropriation .
       
       EXPROPRIATION .- Déclaration d’utilité publique .- Vice de procédure .- Validation législative .- Contrôle de constitutionnalité .- Déclaration des droits de l’homme et du citoyen .- Principes .- Séparation des pouvoirs .- Droit à un recours juridictionnel effectif .– Droit de propriété .- Non-conformité .
       
       ( … ) Sur l’article 139 :
       29- Considérant qu’aux termes de l’article 139 de la loi déférée : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée , la légalité des actes permettant la réalisation des travaux , ouvrages et aménagements prévus par les arrêtés préfectoraux pris en 2004 déclarant d’utilité publique les acquisitions et travaux de création et d’extension de lignes de tramways concourant notamment à l’amélioration de la desserte des zones franches urbaines , la réalisation des opérations connexes décrites par lesdits arrêtés et emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme ne peut être contestée sur le fondement de l’illégalité des arrêtés préfectoraux susmentionnés en tant qu’ils seraient attaqués ou annulés au motif que l’étude d’impact définie à l’article 2 du décret N° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l’application de la loi N° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature présenterait des insuffisances en matière d’analyse des effets du projet sur la circulation routière et du défaut de motivation des conclusions des commissaires enquêteurs ou des commissions d’enquêtes préalables à la déclaration d’utilité publique de ces opérations » ;
       30- Considérant que les requérants soutiennent , d’une part , que cette disposition a été adoptée en méconnaissance des articles 39, 44 et 45 de la Constitution , d’autre part , que la validation ne serait pas justifiée par un intérêt général suffisant ;
       31- Considérant que , si le législateur peut valider un acte administratif dans un but d’intérêt général suffisant , c’est sous réserve du respect des décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre , l’acte validé ne doit méconnaître aucune règle , ni aucun principe de valeur constitutionnelle , sauf à ce que le but d’intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin la portée de la validation doit être strictement définie , sous peine de méconnaître l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; que c’est à la lumière de l’ensemble de ces principes que doit être appréciée la conformité à la Constitution des dispositions soumises à l’examen du Conseil constitutionnel ;
       32- Considérant que l’article 139 a pour objet principal de permettre l’extension rapide des lignes de tramway de la communauté urbaine de Strasbourg malgré l’annulation par le tribunal administratif de l’arrêté par lequel le préfet du Bas-Rhin avait déclaré d’utilité publique les acquisitions et travaux de construction nécessaires ; que la validation permettrait , à titre accessoire , de conforter la réalisation des lignes de tramway de Marseille , Montpellier , Le Mans et Valenciennes ;
       33- Considérant , toutefois , que l’intérêt général ainsi poursuivi n’est pas suffisant pour justifier l’atteinte portée au principe de séparation des pouvoirs et au droit au recours juridictionnel effectif , qui découlent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 , atteinte d’autant plus importante que la mesure contestée porte sur l’ensemble des lignes de tramway ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique en 2004 ; qu’il ne justifie pas davantage l’atteinte portée au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration de 1789 , lequel exige , avant toute expropriation , que la nécessité publique fondant la privation de propriété ait été légalement constatée ;
       34-Considérant , par suite , et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs de la saisine , que l’article 139 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ( … )
       
       Décide :
       Art. 1er : L’article 139 de la loi de programmation pour la cohésion sociale est déclaré contraire à la Constitution ( … ) .
       
       Observations :
       « Validation législative : intervention du législateur en forme de loi destinée , à titre rétroactif ou préventif , à valider de manière expresse , indirecte ou même implicite , un acte administratif annulé ou susceptible de l’être » ( G. Cornu : Vocabulaire juridique , PUF , 4ème ed. 2003 , p. 919 ) . La vérité oblige à préciser toutefois que cette définition ne rend aucunement compte de l’évolution , relativement récente , qui fait que cette pratique , traditionnellement considérée comme « un mal nécessaire » , se heurte aujourd’hui à de très fortes réticences , qu’elle voit , en conséquence , sa régularité fréquemment remise en cause et que son champ d’application se voit progressivement considérablement restreint ( Cf. X. Prétot , Les validations législatives . De la constitution à la Convention européenne des droits de l’homme , RDP 1998 , p. 11 ; J.-P. Camby , Validations législatives . Des strates jurisprudentielles de plus en plus nombreuses , RDP 2000 , p. 611 ; B. Pacteau , Contentieux administratif , 7ème ed. , PUF 2004 , p. 475 et s. ; R. Chapus , Droit du contentieux administratif , 11ème ed. Montchrestien , 2004 , p. 1079 et s. ) . C’est ce que tend à confirmer la décision du Conseil constitutionnel ci-dessus publiée , en date du 13 janvier 2005 , dont il ressort que l’article 139 de la loi N° 2005-32 du 18 janvier 2005 , loi dite « de programmation pour la cohésion sociale » , n’est pas conforme à la constitution ( Décision N° 2004-509 DC , JO 19 janvier 2005 , p. 896 ) . Dans la mesure où cet article visait très expressément à donner aux pouvoirs publics la possibilité de passer outre aux conséquences de l’annulation contentieuse d’une déclaration d’utilité publique et à « court-circuiter » de la sorte l’intervention du juge administratif , il convient de s’interroger sur le sens et la portée d’une décision exemplaire qui présente un intérêt tout particulier pour le droit de l’expropriation .
       Par arrêté du préfet du Bas-Rhin , en date du 1er avril 2004 , a été autorisée la réalisation de nouvelles lignes de tramway à Strasbourg . Cette DUP a fait l’objet d’un recours en annulation , assorti d’une demande de suspension formulée auprès du juge des référés . Après avoir répondu favorablement à la demande de suspension ( TA Strasbourg , Ord. , 6 août 2004 , Association des Résidents du secteur Orbey-Kurgasten et Collectif Jean Jaurès – Ribeauvillé , Req. N° 0402967 ) , le juge administratif a ensuite, pour des motifs de légalité externe , relatifs au contenu de l’étude d’impact et à la motivation des conclusions de la commission d’enquête , procédé à l’annulation de la DUP :
       « Considérant que l’étude d’impact d’un projet doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et leurs incidences prévisibles , tant directes qu’indirectes , sur l’environnement ; que l’extension des lignes d’un tramway , dont la circulation est prioritaire dans le cadre d’un projet multimodal des transports , a , par nature , des effets importants sur la densité et la répartition des flux de circulation automobile , composante essentielle de l’environnement urbain ; que l’étude d’impact réalisée par la communauté urbaine de Strasbourg ( … ) ne fait que décrire la circulation du tramway dans sa nouvelle configuration , sans analyser ses effets provisoires , temporaires et permanents sur le transfert de la circulation automobile ; qu’en particulier , l’une des opérations les plus importantes du projet , la destruction et reconstruction à niveau du viaduc Churchill ( … ) ne fait l’objet d’aucune étude de son impact sur la circulation , que ce soit pendant les travaux ou après la mise en service du nouveau pont ( … ) » .
       « ( … ) Considérant qu’en ne faisant que reprendre , dans son avis , les réponses opposées par le maître d’ouvrage aux observations du public , sans les analyser ni les discuter , la commission d’enquête n’a pas rendu un avis motivé répondant aux exigences des dispositions de l’article R. 11-14-14 du code de l’expropriation ( … ) ( T.A. Strasbourg , 19 octobre 2004 , Association des Résidents du secteur Orbey-Kurgarten et Collectif Jean-Jaurès-Ribeauvillé et autres C/ Préfet du Bas-Rhin , Communauté Urbaine de Strasbourg , Req. N° 040218-042344-042362-042381 ) .
       Ces deux décisions de justice ont eu pour effet d’entraîner l’arrêt des travaux , ce qui a incité le député de la 2ème circonscription du Bas-Rhin , Marc Reymann , à déposer lors de la séance du 6 décembre 2004 , à l’occasion de la première lecture par l’Assemblée Nationale du projet de loi dit de « programmation pour la cohésion sociale » , un amendement N° 1031 visant à faire en sorte qu’en dépit de l’annulation prononcée par le juge , soit garantie « la sécurité juridique des actes postérieurs à la DUP » et qu’ainsi l’opération puisse se poursuivre comme si de rien n’était . Cet amendement a reçu devant l’Assemblée nationale un avis favorable du rapporteur de la commission ainsi que du ministre délégué au logement et à la ville ( JO , A.N. , Séance du 6 déc. 2004 , p. 10 645 ) et a été adopté , après modification rédactionnelle , par la commission mixte paritaire , avant d’être voté par les deux assemblées .
       La formulation de cet article 139 de la loi mérite d’être relevée : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée , la légalité des actes permettant la réalisation des travaux , ouvrages et aménagements prévus par les arrêtés préfectoraux pris en 2004 déclarant d’utilité publique les acquisitions et travaux de création et d’extension de lignes de tramways concourant notamment à l’amélioration de la desserte des zones franches urbaines , la réalisation des opérations connexes décrites par lesdits arrêtés et emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme ne peut être contestée sur le fondement de l’illégalité des arrêtés préfectoraux susmentionnés en tant qu’ils seraient attaqués ou annulés au motif que l’étude d’impact définie à l’article 2 du décret N° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l’application de la loi N° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature présenterait des insuffisances en matière d’analyse des effets du projet sur la circulation routière et du défaut de motivation des conclusions des commissaires enquêteurs ou des commissions d’enquêtes ( sic) préalables ( re-sic ) à la déclaration d’utilité publique de ces opérations » .
       Le caractère pour le moins « contourné » de ce texte tient au fait que si l’utilisation du procédé des validations législatives ne fait toujours pas l’objet d’une prohibition générale et absolue , celles-ci se voient néanmoins , à raison d’une surveillance aujourd’hui exercée concuremment par le Conseil d’Etat , la Cour de cassation , le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme , soumises à un certain nombre de conditions . Si le législateur peut « dans un but d’intérêt général suffisant » valider un acte administratif , c’est sous réserve du respect des décisions de justice bénéficiant de la force de la chose jugée . Il ne peut , de la sorte , procéder directement à la validation de l’acte annulé mais , tout au plus , tenter , comme en l’espèce , de protéger les actes pris en application de l’acte annulé . L’acte validé ne doit méconnaître aucune règle , ni aucun principe de valeur constitutionnelle , sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle . La portée de la validation doit , enfin , être strictement définie . Elle ne saurait , en particulier , avoir pour effet d’interdire tout contrôle juridictionnel de l’acte validé , quelle que soit l’illégalité invoquée par les requérants .
       Même si ces différents standards laissent une place importante à l’interprétation , voire même à l’imagination , force est de reconnaître que la décision rendue par le juge constitutionnel , saisi le 23 décembre 2004 par plus de soixante députés , n’est , somme toute , guère surprenante . Si surprise il y a , elle tient plutôt au fait que d’aucuns aient pu estimer qu’un pareil montage , « coup de pied de l’âne » à la juridiction administrative , aurait , dans le contexte qui est aujourd’hui celui des validations législatives , quelque chance de demeurer impuni . La richesse de l’éventail , très fourni et en partie inexploité , des moyens dont disposait le juge constitutionnel est à cet égard particulièrement instructive . On évoquera par conséquent , dans un premier temps , différents griefs qui , pour des motifs divers , n’ont pas été retenus , avant de s’attacher , dans un second temps , à l’examen de ceux sur lesquels le Conseil a entendu fonder son constat .
       
       I- Des griefs non retenus .
       
       A- Droit d’amendement et « cavalier législatif » .
       On sait que le Conseil constitutionnel se considère comme fondé à exercer, d’une manière que l’on s’accorde à reconnaître comme prétorienne , un droit de contrôle sur l’exercice du droit d’amendement d’un projet de texte en cours d’examen et comme n’étant pas lié , le cas échéant , par une déclaration de recevabilité qui aurait été expressément formulée lors des débats , s’il lui apparaît que celle-ci n’était pas justifiée . Pour le Conseil constitutionnel , hostile à la formule des « cavaliers législatifs » , « les adjonctions et modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient , sans méconnaître les articles 39 , alinéa 1er , et 44 , alinéa 1er , de la constitution , être sans lien avec ce dernier » ni dépasser , « par leur objet ou leur portée , les limites inhérentes au droit d’amendement » ( Décision N° 85 191 , DC , 10 juillet 1985 , Rec. p. 47 ; Décision N° 86 221, DC , 29 décembre 1986 , Rec. 179 ; Décision N° 88-251 , DC , 12 janvier 1989 , Rec. p. 12 ; AJDA 1989 , p. 322 , note P. Waschmann ; Cf. P. Avril et J. Gicquel , Droit parlementaire , Ed. Montchrestien , 2004 , p. 15 et p. 187 ) .
       La première question était donc celle des rapports entre l’amendement litigieux , déposé in extremis à l’Assemblée sans que le Sénat ait eu à en connaître , et le projet de loi soumis au Parlement .
       Selon son auteur , cet amendement s’inscrit dans la ligne de la volonté du gouvernement de valoriser les quartiers les plus difficiles . Dénonçant « la complexité des lois et des règlements » , « la jungle textuelle » à laquelle se verraient confrontées les collectivités locales , Marc Reymann faisait état des difficultés pour celles-ci de mener à bien leurs projets d’aménagement et des risques de retard engendrés du fait de cette situation . Lorsqu’un projet « s’accompagne de nombreuses créations d’emplois dans des zones sensibles » et de la « réalisation d’équipements structurants pour des quartiers en zone franche urbaine » , de tels blocages peuvent remettre en cause la politique de cohésion sociale . Tel est le cas , soulignait le député , des projets de création et d’extension des tramways ( JO , Ass. Nat. , préc. p. 10 645 ) .
       A l’inverse , les auteurs de la saisine ont fait valoir que l’insertion de cette disposition dans un projet de loi portant sur la cohésion sociale ne correspondait aucunement à l’objet dudit projet . Si l’objectif de valoriser les quartiers les plus difficiles ne peut être que partagé par tous , faisaient-ils remarquer , cela ne justifie pas l’utilisation de n’importe quel moyen , et en particulier celui de passer outre à une décision de justice . « Nous sommes bien loin de l’objet du projet de loi de cohésion sociale . Nous sommes au cœur d’une remise en cause de la finalité de l’étude d’impact en droit de l’urbanisme » ( J.O , préc. 19 janvier 2005 , p. 902 ) .
       Force est de reconnaître que cette analyse paraît , à l’évidence , infiniment plus convaincante que la précédente . On retiendra toutefois que le Conseil , se référant à la théorie de l’économie des moyens , ne fait aucunement état de cet aspect de la question , alors même qu’il avait été prioritairement abordé par les auteurs de la saisine . Dans la même ligne , mais il s’agit là , cette fois , de la confirmation d’une jurisprudence bien établie , on relèvera que le Conseil se refuse à évoquer une violation de la Convention européenne des droit de l’homme .
       
       B-Convention européenne des droits de l’homme et droit à un procès « équitable » .
       On rappellera que dès 1994 et , plus nettement encore , à partir de 1999 , la Cour européenne des droits de l’homme a entendu contribuer à réduire le champ des possibilités pour les pouvoirs publics de recourir au procédé des validations législatives .
       « ( … ) Le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 s’opposent , sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général , à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige ( … ) « ( CEDH 28 octobre 1999 , Zielinski et Pradal C/ France , RFD adm. 2000 , p. 289 , note B. Mathieu ; LPA 8 juin 2000 , N° 114 , p. 21 , note A. Boujeka ; RDP 2000 , p. 716 , obs. G. Gonzalez ; adde : F. Sudre et autres , Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme , PUF , 2003 , p. 219 ) .
       Bon gré , mal gré , les juridictions internes ont progressivement été amenées à prendre en considération cette nouvelle configuration du droit ( Cf. X. Prétot , Les validations législatives et le droit à un procès équitable , RDP 2001 , p. 23 ) . S’agissant du contentieux de l’expropriation , on notera toutefois que saisi de la question de la régularité de la validation « à titre préventif » , aux termes de l’article 57 de la loi N° 96 314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier , ( JO 13 avril 1996 , p. 5707 ) , d’une ordonnance du 22 mars 1994 du président du TA de Limoges désignant les membres de la commission d’enquête préalable à la DUP relative à l’autoroute A 89 , « dans la mesure où celle-ci serait contestée sur le fondement de l’incompétence du président de ce tribunal à procéder à cette désignation » , le Conseil d’Etat avait , tout en reconnaissant le principe de la soumission de ladite validation aux prescriptions de l’article 6 § 1er de la convention européenne , considéré que celles-ci n’avaient pas été méconnues en l’espèce : « Les dispositions ( législatives ) précitées , prises pour un motif d’intérêt général pour réparer un vice de procédure qui , en tout état de cause , ne portait pas , en lui-même , atteinte aux garanties des administrés , ne méconnaissent pas le principe du droit à un procès équitable énoncé par les stipulations de l’article 6 de la Convention européenne » ( CE 8 juin 1998 , Coordination départementale pour la 2X2 voies et contre l’autoroute , RD Imm. 1998 , p. 626 , note P.H. ; Rec. T. 966 ; JCP 1998 , IV , 3175 , obs. M.-C. Rouault ; G.P. 17-18 mars 1999 , p. 7 ; LPA 10 juin 1999 , N° 115 , p. 12 , note J. Morand-Deviller ; adde : F. Duval , « La validation législative d’une procédure de déclaration d’utilité publique » , Ann. de la voirie , avril-mai 1996 , N° 28 , p. 16 ) . Fidèle au pragmatisme qui caractérise très généralement ses analyses , le Conseil d’Etat avait par conséquent fait prévaloir l’intérêt général attaché au bon déroulement des travaux de réalisation de l’autoroute sur des considérations de légalité , présentées somme toute comme subalternes , avant de conclure que , dans ces conditions , les exigences relatives au droit à un procès équitable n’avaient aucunement été méconnues en l’espèce .
       S’agissant du Conseil constitutionnel , la situation est quelque peu différente . Celui-ci persiste à camper sur les positions fixées à l’occasion de la décision N° 74-54 DC du 15 janvier 1975 relative à l’IVG ( Rec. 19 ) et à privilégier une lecture strictement « hexagonale » des sources du droit . Force est toutefois de reconnaître aujourd’hui les limites de cette approche et surtout les risques de « marginalisation » qui en découlent pour ce dernier ( Cf. X. Prétot , art. précité , RDP 2001 , p. 35 ) . Tout ceci fait que le Conseil constitutionnel se voit contraint de s’aligner progressivement sur les principes formulés par la Cour de Strasbourg . La décision commentée , qui fait état non pas des dispositions de l’art. 6 § 1er de la convention européenne mais exclusivement des principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen , au rang desquels toutefois figure désormais le droit à un recours « effectif » , témoigne de l’existence de nouvelles lignes de convergence entre les deux jurisprudences .
       
        II- Une méconnaissance de la Déclaration de 1789
       A- Séparation des pouvoirs et droit à un recours effectif .
       Le Conseil constitutionnel relève en premier lieu l’atteinte portée par le législateur au principe de la séparation des pouvoirs . Revisitant l’article 16 de la Déclaration de 1789 , qui dispose que toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas assurée n’a point de constitution , le Conseil constitutionnel s’est permis en effet d’asseoir progressivement une jurisprudence toute en nuances , de nature à lui permettre , sans exclure de manière absolue le recours à la validation législative , de s’opposer à une utilisation abusive de celle-ci (Cons. Const. Décision du 22 juillet 1980 , Validation d’actes administratifs , 119 DC , Les grandes décisions du Conseil constitutionnel , 9 ème ed. N° 29 , p. 414) . La très grande flexibilité de cette disposition , son extrême malléabilité ont incontestablement servi le juge constitutionnel , en autorisant ce dernier , comme on le voit ici , à mettre en balance d’un côté l’intérêt général poursuivi par le législateur en procédant à la validation contestée et , de l’autre , l’importance de l’atteinte portée au principe de séparation des pouvoirs , en lui permettant de disposer de la sorte d’une très grande latitude et de bénéficier , en définitive , du pouvoir d’apprécier « en opportunité » le bien-fondé de ladite validation .
       On relèvera d’autre part , même si cette corrélation n’est pas ici soulignée , que le principe de la séparation des pouvoirs implique également , et ce sur la base des principes fondamentaux des lois de la République pour ce qui concerne , depuis la loi du 24 mai 1872 , la juridiction administrative , que soient assurées « l’indépendance des juridictions » ainsi que la reconnaissance du « caractère spécifique de leurs fonctions » sur lesquelles ni le législateur , ni le Gouvernement ne sont autorisés à empiéter . « Il n’appartient ni au législateur , ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions , d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence » ( Cons. const. 22 juillet 1980 , préc.) . Si l’indépendance de la juridiction administrative , alors même que celle-ci est pour ses membres statutairement garantie , ne figure aucunement au rang des principes évoqués en l’espèce par le Conseil constitutionnel , force est de constater , en revanche , que le droit à un recours juridictionnel « effectif » , qui implique pour le justiciable toute une série de garanties , touchant tout à la fois à l’accès au juge , au statut de ce dernier , au déroulement du procès et à l’exécution des décisions rendues , est , en revanche , ici expressément mentionné .
       Dans la droite ligne de la décision N° 99-422 DC , en date du 21 décembre 1999 , relative au financement des la Sécurité sociale pour l’an 2000 ( RFD Adm. 2000 , p. 302 ) , le Conseil constitutionnel relève en effet que le droit à un recours juridictionnel « effectif » découle également , tout comme le principe de la séparation des pouvoirs , de l’article 16 de la Déclaration de 1789 . La régularité juridique d’une loi de validation ne dépend pas seulement du respect de l’équilibre constitutionnel des pouvoirs au sein de l’Etat , elle dépend également du respect des garanties attachées à l’exercice d’un droit individuel , le droit à un recours « effectif » qui , tout en ayant un champ d’application plus large , relève d’une logique qui n’est guère éloignée de celle du droit à un procès « équitable » . Ainsi que le souligne X. Prétot , la jurisprudence du Conseil tend ainsi à se rapprocher étroitement de celle de la Cour européenne des droits de l’homme ( note préc. RDP 2001 , p. 32 ) .
       
       B- Droit de propriété , nécessité publique et expropriation .
       « L’intérêt général ainsi poursuivi ( … ) ne justifie pas l’atteinte portée au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration de 1789 , lequel exige , avant toute expropriation , que la nécessité publique fondant la privation de propriété ait été légalement constatée » .
       Il s’agit là de l’aspect le plus novateur et sans doute également le plus surprenant de la décision commentée . En invoquant les dispositions de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme qui imposent , on le sait , en tant que condition « incontournable » du recours à l’expropriation , que la « nécessité » ( et non la simple « utilité » ) publique l’exige « évidemment » et que cette « nécessité » ait été préalablement constatée de manière légale , le Conseil constitutionnel fait ici montre d’une attention toute particulière envers un droit considéré le plus souvent comme en déclin , sinon en perdition face aux prétentions managériales des pouvoirs publics , le droit de propriété .
       Cette importance accordée aux exigences constitutionnelles qui conditionnent la régularité de l’intervention de la déclaration d’utilité publique et la mise en œuvre de la procédure d’expropriation est d’autant plus remarquable qu’en invoquant , au surplus de celles de l’article 16 de la Déclaration de 1789 , les dispositions de l’article 17, le Conseil constitutionnel procède à une évidente « surmotivation » de cette décision . La référence à cet article est d’autant plus significative que seules deux décisions intéressant directement le droit de l’expropriation avaient été jusqu’à cette date rendues, sur saisine intervenue en application de l’article 61 de la constitution , par le juge constitutionnel . Force est de reconnaître , au surplus , que ces deux décisions , et en dépit de l’hommage rendu chaque fois à l’autorité judiciaire , avaient dans les deux cas avalisé les fonctions dévolues par le législateur à l’autorité administrative , s’agissant aussi bien de la question de la qualification du terrain à exproprier et de la notion de terrain à bâtir ( Cons. Const. Décision N° 85-185 DC du 17 juillet 1985 , Rec. p. 49 ; RDP 1986 , p. 474 , chron. L. Favoreu ) que de l’utilisation de la procédure d’extrême urgence de l’art. L. 15-9 du Code de l’expropriation ( Cons. Const. Décision N° 89-256 DC du 25 juillet 1989 , RFD Adm. 1989 , p. 1009 , note P. Bon ; CJEG 1990 , p. 1 , note B. Genevois ) . Et si dans cette dernière décision le Conseil constitutionnel avait souligné « l’importance des attributions conférées à l’autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière par les principes fondamentaux de la République » , il avait par la même occasion fait état de l’évolution du droit de propriété et mis en avant les limitations susceptibles d’être apportées à ce droit au nom de l’intérêt général . En revanche , avec la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 13 janvier 2005 c’est non seulement l’importance des attributions dévolues aux autorités administratives et l’exclusivité de la compétence dont disposent ces dernières pour ce qui est de la constatation des motifs de nature à justifier légalement le recours à l’expropriation qui se voient ici consacrées , mais encore et surtout la complémentarité de cette compétence avec celle de l’autorité judiciaire pour ce qui est de veiller à la protection du droit de propriété , conformément aux exigences constitutionnelles résultant de l’article 17 de la Déclaration de 1789 .
       Reste en conclusion à évoquer , ne serait-ce que brièvement , deux leçons à tirer de cette décision . La première est très éclairante pour le juriste , invité à prendre acte , à travers l’interprétation constructive du Conseil constitutionnel de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen , de la prééminence de valeurs telles que celle de la primauté du droit , de l’autorité de la chose jugée , ou de la protection du droit de propriété . La seconde est plus inquiétante . Elle incite à s’interroger sur les effets pervers de la multiplication et de la sophistication des règles de forme et de procédure qui entourent chaque jour d’avantage la décision administrative , tout particulièrement en matière d’urbanisme , d’aménagement et d’environnement , sachant que cette situation confère , par la force des choses , une grande marge de latitude au juge administratif , gardien d’une légalité trop souvent incertaine . Les restrictions introduites en matière de validations législatives ouvrent , à la vérité , un vaste chantier . Ainsi que le souligne X. Prétot ( note préc. R.D.P. 2001 , p. 35 ) , cette évolution implique à terme de s’interroger sur la portée du principe de légalité , sur le primat accordé dans notre système juridique à ce principe au détriment parfois de la stabilité de situations juridiques constituées de bonne foi , et sur la place qui revient au principe de sécurité juridique auquel sont légitimement attachés nombre de personnes et , tout particulièrement , aménageurs et élus .


 
 
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